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>Recycling The Future
(Disque d'emoi) Juliette Barnel
Personne ou presque n’a retenu jusqu’ici le nom de Daniel Yvinek, pourtant
celui-ci figure à coup sûr en plusieurs endroits stratégiques dans la
discothèque de l’homme de goût. En faire l’inventaire ici prendrait trop
de place, alors citons parmi les musiciens au service desquels ce bassiste
s’est produit les notables Salif Keita, Hector Zazou, Tania Maria, David
Byrne, Riyuichi Sakamoto, John Cale, Suzanne Vega ou David Sylvian. Pour
un petit Français venu à la basse par profil bas, le CV est plutôt
flatteur. “Je suis plutôt un coureur de fond qu’un sprinter”, dit
aujourd’hui Yvinek, pour expliquer l’avènement si tardif, à 39 ans, d’un
premier album portant son nom.
SEFRONIASi les
musiques électroniques sont souvent associées à la danse pour se conformer
à l¹air du temps et plaire à un public cultivant la branchitude, on sera
surpris par la vision originale de Daniel Yvinec, dès la pochette "land
art" de son premier album. Le projet musical du contrebassiste, qui a
connu divers registres, de la variété facile de Francis Cabrel au soul
funk de Maceo Parker, en passant par les expériences de Ryuichi Sakamoto
ou John Cale, n¹incite pas à se trémousser. Il étire le temps à l¹infini,
assemblant les filaments désagrégés d¹une mémoire perturbée. Et pour ce
faire, il associe des complices aussi talentueux que Pierre Alain Goualch,
grand manitou des claviers et expert en bidouillages en tout genre,
Stéphane Guillaume et Eric Seva aux saxophones, Olivier Ker Ourio à
l¹harmonica, dans un solo nostalgique sur "Things i thought I knew" qui
constituerait le thème idéal d¹un film noir. Car Yvinec est un maboule
d¹images et de sons, un voyageur immobile, en partance pour un ailleurs
indécis, le monde floconneux des perceptions. Ces sonorités travaillées,
des effets inquiétants d¹étrangeté installent un climat surréel : en
écoutant par exemple "Invisible soundtrack" de 333 secondes, défilent des
images à la "Eraserhead" comme dans le vieux film de David Lynch : toute
une éternité, en musique d¹accompagnement d¹un cinéma imaginaire qui se
projette dans notre tête. Riffs de guitare saturée, boucles enchaînées,
trompette en écho, infrabasses, glissements vers un plaisir très
progressif, cadence suggestive plutôt que rythmique forcenée ; hypnose,
fantasmagorie, une électronique déjà recyclée pour notre plus grand
bonheur, qui s¹unit à un jazz électrique. Onze plages de sons insolites
mettent en scène ce long métrage, tourné dans les décors les plus divers
avec des instruments très hétéroclites. Qu¹importe les bricolages, l¹album
conserve en dépit de tout une unité, une dimension originale et poétique
car l¹auteur concocte à partir de matériaux sans intérêt apparent, un
magma très personnel. Sefronia n°62 Decembre 2002 - www.sefronia.com
Daniel
Yvinec, bassiste de jazz et d'ailleurs (Tania Maria, Maceo Parker, Salif
Keita, Cheb Mami…), auditeur compulsif de CD, a déjà apporté sa touche de
musicien, de producteur ou de conseiller artistique à une foule d'univers
qui signent son éclectisme : Suzanne Vega, Ryuichi Sakamoto, Dead Can
Dance, John Cale… Il a aussi collaboré aux productions de Peter Gabriel et
David Byrne. Avec ce disque il construit des paysages sonores autant que
musicaux, nourris des bruits du monde, et magnifiés par quelques
improvisations de jazzmen (Stéphane Guillaume, Olivier Ker Ourio, Pierre
Alain Goualch…). Zicline
Ouaouh ! Il n’y va pas de main morte pour son premier album ! Laissant de
côté son prénom (Daniel), Yvinek nous sert un opus déroutant, intrépide et
de toute évidence, sans concession. Chronicart.comCurieux homme que cet Yvinek, breton d'à peine
quarante ans connu sous son patronyme civil (Daniel Yvinec) par les
lecteurs de Jazz Magazine où il signe régulièrement textes et entretiens,
contrebassiste nomade aux expériences on ne peut plus variées (rien en
commun à première vue entre des séances studio derrière Francis Cabrel et
une tournée avec Salif Keita, des concerts avec Maceo Parker à la fin des
80's et des collaborations avec Ryuichi Sakamoto ou John Cale durant la
décennie suivante) et, désormais, auteur d'un premier album à la croisée
des chemins qu'on résumera, pour aller vite et cadrer grossièrement les
choses, comme faisant partie de ce que l'on a entendu de plus convaincant
à ce jour au rayon des musiques où se mêlent l'électronique et
l'acoustique, le Mac et la Gibson, le sampler et les cordes. Recycling the
future n'en manque ni des uns (le pianiste et bidouilleur Pierre-Alain
Goualch s'est vu confier la gestion des écrans, claviers et quincailleries
en tous genres), ni des autres (un orchestre à cordes est de la partie,
magnifiquement intégré au bain de boucles et de sons qui forme la pâte du
disque), et va même chercher beaucoup plus loin : un rapide coup d'oeil
sur les crédits laissera constater le nombre et la diversité des
intervenants (côté jazzmen hexagonaux, on mentionnera l'harmoniciste
Olivier Ker Ourio et le saxophoniste Eric Seva) et, surtout, celle des
instruments et objets à sons convoqués, exotiques (bendir, sarod, ney et
autres) ou incongrus (en anglais : flower pots, toys and buzzes, cars and
other vehicles).
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